Célébration des 40 ans de la première projection de cinéma à Plaisance du Gers Salle de cinéma L’Europe, mardi 29 octobre 2024 à 18h30 Discours de Daniel Birouste, Président de Ciné Europe
Mes chers Amis, Gérard Castet qui fut aux côtés de Jean Louis Quereillahc à la mairie de Plaisance lors de la création du cinéma, Georges Bagnasco ancien président, Véronique Soubabère directrice du Pays du Val d’Adour et caissière bénévole, Nicole Pion et Catherine Olsen membres toutes deux du Conseil d’Administration m’ont demandé de bien vouloir excuser leur absence.
Il y a un certain paradoxe à ce que je prenne la parole en tant que Président de Ciné Europe pour célébrer les 40 ans de la renaissance du cinéma à Plaisance du Gers, renaissance qui avait lieu en octobre 1984 sous… ma présidence, en tant que président du Syndicat d’Initiative ! Certains pourraient se dire, voilà quelqu’un qui s’est accroché pendant tout ce temps, qui a dû accaparer la place en dévalorisant les talents qui pouvaient surgir çà et là pour lui succéder... !
Eh bien non ! Fort heureusement, les talents ont été nombreux et ont prospéré à travers de nombreux bénévoles et salariés, sous les présidences successives de Colette Chardonnet, de Georges Bagnasco et de Patrick Fitan. Comment ne pas être fier de constater qu’en étant parti deux ans et demi au Brésil, tout continuait de fonctionner sans moi !
Si j’ai repris le flambeau trente ans après, c’est pour éviter toute confusion entre le mandat de maire de Patrick Fitan et le mandat qu’il a assumé en tant que Président de Ciné Europe pendant 7 années. Cette double casquette exposait notre association à subir les attaques malveillantes d’une opposition municipale toujours prête à soupçonner quelque malversation là où il n’y en a pas. Cela m’a remis en mémoire un apophtegme de l’architecte Fernand Pouillon qui écrit dans ses mémoires : « Les familiers des affaires louches en soupçonnent partout ! ». Retenez bien ceci : « Les familiers des affaires louches en soupçonnent partout ! ».
Les anniversaires ont ceci de précieux qu’ils sont l’occasion de reprendre le fil de l’histoire parcourue. Rassurez-vous, je ne vais pas vous détailler par le menu la longue trajectoire de Ciné Europe -40 ans de continuels développements sous 4 présidences très différentes- mais resituer simplement pour l’équipe actuelle ce que furent nos débuts et, à destination des militantes et militants de la première heure, leur dire ce qu’est devenue l’aventure cinématographique qu’ils ont lancée. Militants de la première heure dont certains sont aujourd’hui de l’autre côté du fleuve… Militants de la première heure où nous avons vécu une époque fructueuse où tout était possible, grâce à une alchimie exceptionnelle entre le maire Jean-Louis Quereillahc et le curé Jean Kalinine qui avaient unis à travers le développement culturel de notre commune ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas…
En amont de la première séance de cinéma, dont nous célébrons les 40 ans, il y eut en effet la réalisation du projet du Fonds d’Intervention Culturelle, le projet FIC, qui permit d’irriguer vers la Commune les financements pour doter le Syndicat d’Initiative d’un immeuble destiné à accueillir la bibliothèque, les cours de piano, des expositions et l’information publique sur la vie locale et touristique. Cette maison, nous l’avions appelée la Maison de la Vie Locale et c’est Pierre Fernandez qui en fut l’architecte, réalisant des demi-niveaux, sans cloisons, pour bien signifier que la culture et la vie locale, n’étaient pas faites de cloisonnements (Pierre Fernandez n’a pu nous rejoindre car il est actuellement au Brésil) … Et puis, il y avait le moteur du projet FIC: la construction d’un grand Orgue (le plus grand du département du Gers) avec les jeunes de la cité plaisantine, projet si bien nommé à l’époque « l’orgue-locomotive » du développement culturel et économique…
Il faut reconnaitre à Jean-Louis Quereillahc d’avoir eu le courage de porter un tel projet face à une population qui n’y était pas préparée et qui pourtant se mobilisa puissamment autour de grandes figures telles que notre regrettée Madame Richelle… et c’est Colette Chardonnet, alors en charge de la culture, qui en a assuré le suivi. Merci Colette !
En marge de ces réalisations locales et de leurs premiers succès, il y avait trois observateurs. Le premier, c’était le Directeur Régional des Affaires Culturelles, le DRAC Patrice Béghain, l’autre observateur, c’était Marc Bélit, alors directeur du centre culturel du Parvis de Tarbes. Et enfin le troisième, venait régulièrement au quartier des Contes où sa fille et son gendre avaient acheté une jolie maison. Celui-là s’appelait Claude Degand et il était expert pour le cinéma auprès du Conseil de l’Europe à Strasbourg.
C’est Marc Bélit et Patrice Béghain qui nous ont incités à devenir l’un des laboratoires que le ministère de la culture souhaitait mettre en œuvre pour relancer le cinéma en milieu rural. Sur le papier, le schéma était simple, le Syndicat d’initiative accueillerait un soir par semaine, dans un bâtiment municipal, la salle des fêtes, un film décroché des salles du Parvis et projeté par un technicien de ce centre culturel novateur... A charge pour notre association, et plus particulièrement pour Colette Larrouy et quelques bénévoles d’assurer la promotion des séances, de mettre en place les chaises, de monter l’écran sur la scène et d’assurer la caisse. Puis, opération inverse en fin de séance, démontage et rangement ! Du vrai militantisme cinématographique ! Merci Colette et merci aux bénévoles d’alors !
Et c’est ainsi qu’en octobre 1984, nous avons projeté le premier film dans la salle des fêtes. Biquefarre, un film de Georges Louquier. Un film militant, déjà, qui comparait l’évolution du monde rural en apposant des images tournées en 1946 à celles tournées en 1983, un peu à la manière de Depardon.
Le laboratoire a bien fonctionné et le projet de le voir continuer de façon pérenne a été confirmé par une étude de marché -entièrement payée par notre association qui en avait pris le risque financier- . Cette étude de marché avait détecté un potentiel de 10 000 spectateurs par an à condition de ne pas créer d’autre cinéma dans un rayon de 25 à 30 kilomètres. Fort de ces encouragements officiels, nous avons repris, avec Jean-Louis Quereillahc, l’attache des partenaires afin de trouver le financement de la salle où nous nous trouvons ce soir. Et le maire d’alors était fier d’écrire que, grâce au retour de TVA dont bénéficiaient les communes, cette salle et, plus encore l’ensemble des équipements culturels, n’avaient ainsi rien coûté aux contribuables plaisantins !
A ce stade, il me faut citer un autre acteur de l’ombre. Car pour convaincre de la validité de relancer le cinéma à Plaisance du Gers, outre l’étude de marché que j’ai évoquée, il a fallu recevoir nombre d’administratifs, de chargés de mission, d’experts venus vérifier la véracité de nos propos. Et c’est là que cet autre acteur de l’ombre a joué un rôle éminent car après la visite des lieux, l’analyse des dossiers, il fallait se restaurer et inviter nos interlocuteurs… Maurice Coscuella, notre grand chef de l’époque en sa Ripa Alta, nous a offert systématiquement tous les déjeuners destinés à valider le bien fondé de notre projet. Maurice fut, lui aussi, un acteur décisif dans le montage de notre projet culturel et économique pour Plaisance. Maurice fut un acteur qui ne voulait pas que son mécénat fût révélé, du moins de son vivant. C’est pourquoi je ne pense pas le trahir aujourd’hui en lui rendant hommage.
La chaîne des financements se constituait peu à peu et il ne restait plus qu’un maillon, et non des moindres, avec l’apport de l’Etat via le Centre National de la Cinématographie, le CNC. Et là, Patatrac, un fonctionnaire qui n’avait jamais dû franchir les limites de l’Ile de France a condamné rageusement notre dossier en estimant qu’un cinéma dans un bourg de 1500 habitants, perdu au milieu des champs de maïs, çà ne marcherait jamais ! C’est alors que nous avons alerté notre ami Claude Degand, effarés que nous étions par ce parisianisme mal à propos. Ni une, ni deux, Claude a sauté sur sa bicyclette, est rentré furibond au CNC en demandant qui était le con [c’est ce qu’il nous a raconté] qui avait instruit notre dossier et, déboulant dans le bureau du malheureux gratte-papier l’a ramené à la réalité des faits « Monsieur je connais Plaisance du Gers, j’y passe toutes mes vacances. Si vous croyez que c’est un village de ploucs c’est que vous me prenez pour un plouc, moi l’expert en cinéma du Conseil de l’Europe. Et si tel n’est pas le cas, vous allez immédiatement revoir votre copie ! »
Ce qui était dit fut fait, le miracle s’accomplit et grâce à Claude Degand le financement a été bouclé. Ce n’était pas un passe-droit, c’était vaincre une idée reçue. Oui le cinéma pouvait renaitre en milieu rural ! Merci Françoise, toi qui es la fille de Claude Degand et merci à Patrick ton mari. Sans votre maison des Contes, où vous habitez maintenant en permanence, notre projet aurait fini dans une corbeille à papiers du CNC !
C’est à nouveau Pierre Fernandez qui fut l’architecte de la salle de cinéma, après avoir été celui de la Maison de la Vie locale, et notre exploitation a pu démarrer sous l’égide du Parvis, mais cette fois avec une programmation soutenue pour laquelle il a fallu étoffer l’équipe et prendre en charge toute la gestion, en tant qu’exploitants… Sans ce volontariat très engagé dont vous êtes les représentantes, Colette Larrouy hissant les lourdes bobines de 35mm jusqu’au premier étage de la cabine, Josette Louit pour la comptabilité et les déclarations, Colette Chardonnet, Marie Lasportes, Sylvie Ané, Jean-Raymond Villanova projectionniste intérimaire… (…) et comment ne pas évoquer aussi les figures de Georges Chaumot, de Rolande Maiffret, d’Henriette Patat toujours prête à arriver in extremis lorsque l’un ou l’autre des caissiers bénévoles venait à manquer !
Tant de volontarisme culturel ont valu à la Commune de Plaisance du Gers de se voir décerner le drapeau d’honneur du Conseil de l’Europe toujours présent en la salle du conseil municipal de notre mairie. Cette distinction fut remise solennellement par une délégation de parlementaires européens en présence de John Priestman, alors greffier de l’assemblée parlementaire, collaborateur immédiat du Président et de Gian Paolo Castenetto en charge de la Culture... A cette occasion il fallait baptiser une rue ou un édifice du nom de l’Europe et c’est pourquoi notre salle de cinéma est devenue, à cette occasion, la salle de l’Europe, petit clin d’œil à notre expert Claude Degand qui avait sauvé le financement du CNC. Quelques temps après nous avons détaché du Syndicat d’Initiative la gestion de la salle en créant l’association Ciné Europe.
Les bases étaient ainsi, désormais, solides, elles ont permis de rallier le réseau Ciné 32 qui s’était créé et qui se développait en parallèle, et sur le modèle que nous venions de préfigurer avec le Parvis de Marc Bélit. C’est sur ces bases que Ciné Europe a poursuivi sa route au gré des présidences successives et des rapports plus ou moins confiants avec les différentes municipalités… Une route pas toujours facile mais où la ténacité des bénévoles a toujours permis que Ciné Europe se maintienne. Parmi ces bénévoles, j’ai une pensée particulière pour Alice Brunello dont la santé est bien fragile. Alice continue de se soigner à Bagnères de Bigorre et nous demandons à sa sœur Maïté Fourcade, ici présente, de lui adresser nos chaleureuses pensées.
Lorsque le navire Ciné Europe s’est mis à tanguer fortement car une tempête couvait entre la municipalité d’alors et le président Georges Bagnasco, il nous fallut trouver un bon navigant, habitué à gérer les turbulences, fussent-elles un peu extrêmes ! Patrick Fitan était l’homme de la situation. Mais un bonheur n’arrive jamais seul et c’est alors que Gaël Obert, du haut de ses 20 ans, a pointé sa frimousse et ses cheveux bleus !
Les turbulences devinrent moins violentes mais une puissante bourrasque appelée « Confinement » a failli mettre à mal tous les efforts accomplis sous la Présidence de Patrick et les talents de Gaël pour que Ciné Europe retrouve son public.
Il y a un dicton qui prétend que « la fortune sourit aux audacieux ! ». De l’audace il en a fallu, à Gaël tout d’abord pour élaborer, pendant le confinement, le projet de cinéma en plein air alors qu’il aurait pu se satisfaire de son chômage ! De l’audace il en a fallu au Conseil d’Administration pour se lancer dans un investissement de 75 000 euros. Mais… puisque la fortune sourit aux audacieux, force est de reconnaitre que grâce au cinéma en plein air, qui n’a rien coûté au contribuable local, ni pour son investissement ni pour son exploitation, grâce au cinéma en plein air, donc, nos comptes de résultats post Covid ont été positifs là où bien des cinémas français avaient des difficultés à retrouver leur niveau d’exploitation d’avant Covid.
Dire cela, ce n’est pas faire de la politique. L’action de Ciné Europe est indépendante de tout engagement politique et le restera, mais dire que le cinéma en plein air n’a rien coûté et ne coûte rien au contribuable plaisantin, c’est une réalité purement et simplement comptable et donc incontestable. Seule la vérité m’intéresse et je ne me lasserai pas de dire et de démontrer que cette innovation que nous devons à la ténacité d’un jeune de 20 ans et à la confiance que nous lui avons faite ne mérite pas d’être salie par quelque calcul politicien que ce soit. Je n’entre pas dans ces polémiques malsaines qui nourrissent les réseaux sociaux. Je n’accepte pas le mensonge qui en est le véhicule.
Fort du succès des séances de cinéma en plein air, nous avons multiplié la diversification des activités de la salle autour de l’image et du son. Que ce soit par le festival de cinéma muet accompagné en direct au piano, les ciné-opéras et les ciné-ballets, diffusés en direct depuis l’opéra Bastille l’année dernière et, cette année, depuis le Royal opera de Londres, et enfin avec les ciné-rencontre.
Des ciné-rencontres où nous diversifions là également les thèmes et les publics : ciné-goûter en partenariat avec l’association des parents d’élèves, n’est-ce pas Tiphaine ? Ciné-peinture en invitant à découvrir l’œuvre d’un peintre où les conférenciers peuvent illustrer leurs propos en projetant depuis leur ordinateur des images qui sont relayées par le projecteur de cabine et arrivent en plein écran parfaitement définies et lumineuses. Le peintre Bonnard n’a plus de secrets pour nous grâce à l’association Episode sur une initiative de Michèle Planté. Merci Tiphaine, merci Michèle, et l’on pourrait multiplier la diversité des événements.
Comme le titrait récemment Le Journal du Gers : « Ciné Europe, plus qu’un cinéma ! » .
Et ce « plus qu’un cinéma » me semble résonner aux propos récents d’un réalisateur qui affirmait sur France Culture que les salles de cinéma sont les derniers espaces de liberté… Liberté d’expression que nous cultivons par nos programmations mais aussi par nos ciné-rencontres sur des sujets parfois polémiques mais qui deviennent objets de débat respectueux de l’avis de l’autre différent de soi-même, et qui nous ouvrent toutes et tous à l’élargissement de nos points de vue… A tout le moins espaces de tolérance au point de vue de l’autre.
Dans l’aventure actuelle, Gaël s’est trouvé un co-équipier avec Maxime Guillot qui entame la semaine prochaine, sous l’égide de France Travail, un plan de formation professionnelle lui permettant d’être pleinement opérationnel dès le mois de janvier prochain pour seconder efficacement Gaël. Tout à l’heure j’ai reçu l’accord de France travail, nous n’avons plus qu’à signer la convention. Enfin, l’équipe technique vient de s’étoffer de deux nouveaux bénévoles, Agnès et Elliot, qui ont pris en charge l’entretien hebdomadaire de la salle. Merci à vous, et merci à nos indéfectibles caissiers bénévoles. Je ne vais pas vous nommer, vous êtes trop nombreux (et surtout très nombreuses !) et MERCI à vous aussi, membres bénévoles du Conseil d’Administration et du Bureau.
Merci enfin aux journalistes qui relaient régulièrement nos programmations, publient l’annonce et la relation de nos événements. Sans la Presse, sans les médias, Ciné Europe resterait cantonné au local alors qu’il irrigue l’ensemble du Pays du Val d’Adour et encore bien au-delà.
Et maintenant, du haut de nos quarante ans, que faire ? Nous congratuler ? certes ! Nous réjouir ? Oui ! Nous arrêter ? Sûrement pas ! Jean-Louis Quereillahc dont le nom a été donné au square de notre cinéma avait pour habitude de dire « on prouve le mouvement en marchant ! », alors, mes amis, en avant pour un nouveau projet !, celui de l’extension de la salle par un espace d’accueil avec buvette permettant de faire de Ciné Europe encore plus qu’un cinéma : un véritable espace de convivialité, d’échange et d’enrichissement mutuel… Ne nous y trompons pas, c’est également la condition qui fera perdurer la réussite de notre cinéma puisqu’il est prouvé au niveau national que les cinémas qui se portent bien sont ceux qui disposent de tels espaces de rencontre et de convivialité pour se retrouver avant ou après une projection ou un débat.
Cinéma en plein air, festival de ciné-muet, festival Play, retransmissions d’opéras et de ballets en direct, ont contribué à redonner de la vigueur au cinéma de Plaisance du Gers sous la présidence de Patrick Fitan. C’est pourquoi, l’ensemble du Conseil d’administration a décidé de t’attribuer, mon cher Patrick, deux marques d’estime que Gaël va te remettre en notre nom à toutes et tous !
-Premièrement un Oscar ! pour te manifester notre reconnaissance d’avoir sorti Ciné Europe des turbulences où tu l’as trouvé il y a 7 ans, certes tu n’étais pas tout seul, comme moi-même aujourd’hui, parfaitement bien entouré, mais tu as assumé la responsabilité des choix audacieux que nous avons faits. (Remise de l’Oscar). -Et deuxièmement, nous te remettons une tasse Air France, choisie, comme l'Oscar, par Gaël à la boutique aero de Toulouse !, que tu reconnaîtras, cadeaux symboliques destinés à t’encourager à poursuivre une navigation que nous te souhaitons parfaitement paisible et sans turbulences !
Bon anniversaire à nous toutes et tous ! Réjouissons-nous du chemin parcouru et longue vie à Ciné Europe !